… :: Chapitre III ::…
Une maladie incurable
qu’on appelle
la Mort.
Yukimura et Morgana.
Sasuke et Arashi.
La jeune fille avait longtemps retourné ces deux noms dans sa tête, sans parvenir à en saisir le sens. Elle n’avait trouvé qu’une réponse qui suggérait d’autres questions : le Destin et la Fatalité.
Morgana sortit aussitôt de ses pensées en entendant la voix de son frère. Ce n’était qu’un faible murmure mais il était parvenu jusqu’à elle. Telle une ombre, elle se glissa hors de son lit et traversa la maison endormie pour atteindre la chambre de Yukimura.
« Grand frère ? »
Elle le trouva allongé dans son propre lit, il n’avait pas ouvert les yeux à son approche.
La cadette s’avança doucement vers son aîné, posa une de ses mains sur son front : il était brûlant de fièvre.
Aussitôt, elle se précipita hors de la chambre et courut à celle du maître des lieux, le médecin en chef de leur famille.
« Sharden ! Ouvre, je t’en supplie ! Tu dois venir ! »
La porte coulissa sur un charmant jeune homme aux cheveux bruns. Il frotta ses yeux émeraudes dans l’espoir de se réveiller.
« Morgana ? Qu’est-ce qui se passe… Tu as vu l’heure ? »
« C’est Yuki ! Il est brûlant ! »
Sharden accompagna la jeune fille au chevet du malade, après avoir rapidement enfilé sa veste sur son pyjama. Il resta longuement silencieux pendant qu’il vérifiait le pouls, le cœur ainsi que les différents symptômes que manifestaient Yukimura.
Puis, il se tourna vers elle.
« Habilles-toi rapidement, je l’emmène à l’hôpital. »
« Nous ne pouvons pas encore nous prononcer mais son cas est très grave. Sa maladie remonte à plus d’un mois, il me semble… je préfère le garder ici pendant quelques temps jusqu’à ce que nous soyons sûr de son état. Y voyez-vous un inconvénient ? »
« Aucun. »
Sharden et Morgana avait amené Yukimura à l’hôpital le plus proche. Les médecins l’avaient tout de suite pris en charge dès son arrivé. A présent, il dormait dans une des nombreuses chambres. Morgana ne lui avait pas lâché la main tandis que Sharden parlait avec un médecin et une infirmière.
« Qui est cette jeune fille ? »
« Il s’agit de sa sœur cadette : Morgana. »
Leur discussion fut soudain interrompue par la personne en questions qui venait de se lever brusquement.
« Grand frère, tu es réveillée… je suis si contente ! »
« Doucement, Morgana. Il ne faut pas le brusquer », déclara le médecin de sa famille.
« Mais, enfin… »
Yukimura se redressa et sourit à sa jeune sœur.
« Excuse-moi de t’avoir causé tant d’inquiétude. »
« Tu as attrapé un rhume, c’est ça ? » questionna-t-elle. « A force de n’en faire qu’à ta tête, tu as oublié de te couvrir et tu as pris froid… tu étais si brûlant de fièvre. »
Le jeune homme eut un nouveau sourire et lui ébouriffa les cheveux d’un geste doux.
« Pardonne-moi… mais je dois parler à Sharden en privé. »
« Mais… »
« S’il te plaît… c’est très important. »
Morgana le regarda avec attention puis s’éloigna vers la porte. L’infirmière s’approcha d’elle et lui fit un charmant sourire.
« Tu n’as pas faim ni soif ? Je peux te donner quelque chose, si tu le désires . »
La jeune fille acquiesça et toutes deux prirent la direction de la cafétéria.
Les heures semblaient interminables, telles des coups de poignards qui ne cessaient de marteler le cœur.
Assise sur l’une des chaises qui étaient le long du couloir blanc, Morgana attendait. Le temps était comme suspendue : une heure était passé… ou bien deux ou plus ?
« Mademoiselle ? »
Un des médecins qui s’étaient occupés de son frère se tenait debout devant elle. Il était jeune, presque du même âge que Sharden ; ses cheveux blonds étaient nous derrière son crâne, ses yeux saphir l’observait avec bienveillance.
« Vous êtes bien la sœur de Yukimura, n’est-ce pas ? »
Elle acquiesça.
Il s’accroupit pour être à sa hauteur, son doux visage était grave tandis qu’il prenait ses mains dans les siennes.
« Je m’appelle Sasuke Tagashi… c’est moi qui me suis occupé de votre frère. Soyez forte, mademoiselle, et écoutez-moi calmement, d’accord ? Comme vous êtes sa sœur, j’estime que vous avez le droit de savoir… Voilà, votre frère… est condamné. »
Un long silence s’abattit. Le médecin continua.
« Sa maladie est beaucoup trop grave et remonte à bien trop longtemps pour que nous puissions faire quoique ce soit pour le soigner… je suis vraiment désolé. »
Il dû voir les larmes couler sur le visage de la jeune fille car il la prit contre lui, parlant d’une voix douces des paroles réconfortantes. Mais Morgana ne l’entendait plus… Un bourdonnement sourd avait emplit ses oreilles. Elle n’avait plus conscience de rien.
Elle s’était évanouie.
A son réveil, des lumières blanches dansaient devant ses yeux.
« Est-ce que ça va ? »
Morgana se tourna vers la source de la voix et fut surprise de découvrir son frère.
« Yuki ? Mais que… »
« Ce que tu fais ici ? » sourit le jeune homme. « Je te signale que tu es dans
mon lit. »
Il disait vrai : la jeune fille était allongée à ses côtés. Yukimura lui expliqua :
« Après que tu te sois évanouie, le docteur Tagashi t’a transporté jusqu’ici pour t’allonger. Je lui ai dit qu’il avait la possibilité te déposer près de moi car je pouvais très bien partager mon lit avec toi. Il m’a regardé bizarrement mais s’est exécuté sans dire un mot, il devait se poser des questions », ajouta-t-il avec un rire.
Mais Morgana ne riait pas.
« Pourquoi est-ce que tu ne m’as rien dit ? »
Yukimura eut un doux sourire triste.
« Je suis condamné, Morgana. Même avec toutes les médecines du monde, je ne guérirai pas. »
« Pourquoi… »
« Tu te souviens de la mort de nos parents ? »
La jeune fille resta muette.
Depuis le drame, le fait d’évoquer le nom de leurs parents décédés ou un quelconque lien qu’il y avait avec le massacre était devenu un sujet tabou chez eux.
« Je savais que ce n’était pas quelque chose que tu aimerais si je te racontais ce qui s’est passé… » continua son frère.
« Tu le sais ? »
« Hélas, oui… et ça te concerne bien plus que moi. »
Il l’installa confortablement à côté de lui.
« Ecoute bien et ne m’interromps pas, s’il te plaît… »
Il prit une profonde inspiration avant de débuter :
« Quand nous t’avons adopté, nous avons été très heureux. D’où venais-tu ? Qui étaient tes parents ? Pourquoi avais-tu été abandonnée ? …toutes ces questions n’avaient aucune importance. Tu as grandi ainsi que ton engouement pour la magie et en particulier pour l’alchimie qui a séduit notre père. Il s’est mis à t’instruire. Bientôt, tu as commencé à développer des capacités que lui-même ne pouvait attendre… l’élève dépassait le maître. Alors, il s’est mis à avoir des rêves de grandeur, de gloire, de richesse… il devint avide et corrompu. Il décida de pactiser avec les Démons : le pouvoir et la puissance contre sa fille adoptive. Tu étais devenue un pion pour lui, un pion dans l’échiquier dont il était le maître. Quoiqu’il en soit, les Démons n’hésitèrent pas une seconde. Ils étaient même étrangement ravis de cette idée, personne ne sait pourquoi… Bien sûr, notre mère n’était pas au courant des agissements de son époux. Ensuite vint cette fameuse nuit… c’était ce soir-là que l’accord entre les Démons et notre père devait être conclu. Mais tu n’étais pas là : je t’avais emmené en ville. Alors, ivre de peur et de colère, il a sacrifié notre mère à ta place. Lorsqu’il la leur a présenté en la faisant passer pour toi, les Démons entrèrent dans une rage folle : ils tuèrent notre mère puis, quelques instant plus tard, furent subir le même sort à notre père. »
Il marqua une pause avant de reprendre :
« Si j’ai choisit de ne pas t’en parler, c’est parce que je souhaitais te protéger. Tu comprends ? D’une certaine manière, je me suis tellement attaché à toi que j’ai fini par te considérer comme étant bien plus que ma sœur… »
Morgana l’avait écouté sans l’interrompre. A la fin de son récit, elle sentit les larmes lui brûler les yeux mais ravala son chagrin.
« Pourquoi est-ce que tu ne m’en a pas parlé avant ? J’étais aussi inquiète que toi… »
« Je le sais… mais je voulais te protéger. »
Le médecin aux cheveux blonds entra à ce moment-là. Il salua Yukimura puis regarda la jeune fille.
« Comment te sens-tu, à présent ? »
« …je ne sais pas. »
« Docteur, je lui ai tout raconté… »
L’homme l’observa puis acquiesça en soupirant.
« Je m’en doutais un peu… Bon, maintenant, tu dois te reposer, Yukimura. Je vais raccompagner ta sœur, d’accord ? »
« Ce n’est pas ma sœur, docteur. »
Le médecin le regarda sans trop comprendre pendant que Morgana le rejoignait.
« Elle est bien plus que ça ».
Les jours s’écoulaient lentement.
Yukimura restait à l’hôpital où Morgana passait le plus de temps avec lui, ne voulant pas perdre les quelques secondes qui lui restait à vivre.
Pourtant, une nuit, Sharden la réveilla avec angoisse et l’emmena avec lui à l’hôpital : Yukimura vivait ses derniers instants. Cependant, à le voir allongé avec son habituel visage serein et le même sourire doux et chaleureux, Morgana ne pouvait se résoudre de croire à sa mort prochaine… c’était beaucoup trop douloureux.
« Comment… comment te sens-tu ? »
Le jeune homme l’observa.
« J’ai connu de meilleurs moments… mais ce n’est pas ça qui m’inquiète. Mon seul regret est de te laisser seul ici. Morgana… »
Sa voix devint aussi faible qu’un murmure pour que seul la jeune fille puisse l’entendre :
« Je t’en prie, respecte la promesse que tu ma faites : ne cherche pas à me faire revenir à la vie… même si, je le sais, tu en souffriras. »
Il retomba sur ses oreillers avec un doux sourire. Celle qu’il avait toujours considérée comme sa sœur jusqu’à présent lui serra la main en guise d’adieu et ne la lâcha pas.
« Reste… je t’en supplie, ne pars pas… reste avec moi. »
Yukimura sentit les larmes couler le long de ses joues et ne chercha pas à les arrêter.
« Je ne peux pas, Morgana… Je voudrai t’en rester à tes côtés… mais je ne peux pas. »
« Yuki… »
Sa voix se brisa.
Le jeune homme l’attira contre lui.
« Je serai toujours avec toi, je te le promets. Mon souvenir restera en toi. Ainsi, je t’accompagnerai. »
Morgana resta silencieuse. Elle entendait les battements de son cœur, une si douce musique qui résonnait en elle.
« Je t’aime, Morgana… je t’aimerai toujours. »
Elle observa son visage, ses yeux s’étaient fermés.
Les battements de son cœur avaient cessé.